mercredi 14 novembre 2007

Origines chinoises de l'alchimie des siddhas

Une des fictions philosophiques du Tchouang-tseu (356-286 avant notre ère)[1] relate la mort (Un monstre, deux morts et mille métamorphoses) et l'acceptation de la mort comme une transformation de quatre amis. On y parle de "jeu de fontes et de refontes", de "Grand Fondeur" et de la transformation en "une épée mythique". L'histoire ne crée pas un mythe, mais renvoie à une ancienne histoire qui traite de la transformation de l'humain en métal par un jeu de fontes. Il y est fait allusion à la légende de l'épée de Mo Ye. "Un jour que mon maître fondait sans succès un minerai de fer, il pénétra avec sa femme au beau milieu de la fournaise et il réussit à fondre les métaux." Mo Ye répond: "Ton maître savait qu'il fallait fondre un corps pour obtenir un tel résultat."

Marcel Grandet: "la trempe d'une épée était considérée comme une union de l'eau et du feu" (donc du Yin et du Yang). "Le feu est le mâle de l'eau". Granet explique que les épées, qui sont des concentrations métalliques sexuées, forment un couple et cherchent toujours à s'unir, à rester fidèles l'une à l'autre. "L'alliage est le résultat d'une alliance: c'est un rite de mariage."

Selon Joseph Needham, l’alchimie aurait probablement ses origines en Chine autour du 1er siècle de notre ère. Il existait alors une technique appelée « kim » ou « chin », aurifaction, qui aurait été transmise vers l’occident vers le 3ème siècle. Pseudo-Zosime aurait translittéré ce terme en chymeia ou chemeia, qui serait plus tard arabisé en al-chymeia et introduit dans les traditions européennes comme alchymia, alchémie. Si Needham est correct, la Syrie aurait reçu l’alchimie au 3ème siècle de la Chine et aurait ré-exporté sa technique d’extraction légendaire vers l’est, par l’intermédiaire des sources Indiennes du 13ème siècle (qui font l’objet de The Alchemical Body de David Gordon White), pour finalement retourner dans son pays d’origine, la Chine, dans le 17ème siècle.[2]

White a pour hypothèse que la fascination indienne pour l’alchimie est probablement apparue des contacts anciens avec la Chine, où l’Inde exportait le bouddhisme et où la tradition alchimique spéculative du Taoïsme s’était développée depuis le 2ème siècle. Ces traditions seraient ainsi arrivées en Inde par voie maritime.[3] Ces échanges maritimes existaient déjà au début de notre ère et avaient leur période d’essor entre le 3ème et le 8ème siècle. Pratiquement tout le mercure qu’utiliseraient les alchimistes indiens provenait de la Chine.White donne plusieurs exemples d’échange. Notamment la traduction sanscrite du Tao te ching qui était offert par les chinois en 646 au roi de Kāmarūpa (Assam) en échange contre des informations sur l’alchimie transmutationelle et d’élixir et l’interrogation par un roi indien d’Udyāna, dans la vallée du Swat au Pakistan de deux bouddhistes chinois et qui portaient sur la médecine, la science et les palais en argent en or des immortels[4].

Les principaux points de contact entre l’Inde et la Chine étaient la route de la soie, Assam et les ports Indiens sur le littoral sud de Tamil Nadu et du Gujarat.[5]



[1] Romain Graziani, Fictions philosophiques du Tchouang-tseu , p. 164-165

[2] The Alchemical Body de David Gordon White, p. 204

[3] The Alchemical Body de David Gordon White, p. 53

[4] The Alchemical Body de David Gordon White, p. 62

[5] The Alchemical Body de David Gordon White, p. 64

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